Paris, le 20 mars 2017,
Madame, Monsieur,
Dans quelques semaines, comme toutes les Françaises et tous
les Français, vous serez appelé·e·s à élire le prochain Président de la
République. Vous le ferez en conscience et avec le même souci de l’intérêt
général que celui qui vous anime lorsque vous enseignez. Vous le ferez,
instruits de l’expérience accumulée ces dix dernières années. Celle du
quinquennat noir de Nicolas Sarkozy. Celle de l’amertume suscitée par les
reniements et renoncements de François Hollande.
Vous constatez chaque jour l’insuffisance des recrutements
annoncés. Vous connaissez les classes surchargées, les locaux dégradés, les
écoles qui ferment. La précarité est plus grande parmi vos collègues et peut
être la vivez vous directement en votre qualité de professeurs contractuels.
Votre feuille de paye, bien inférieure à celle de vos collègues européens,
traduit très directement les effets des réductions budgétaires.
C’est aux fondements même de votre métier que les politiques
menées ont porté atteinte. Le lien aux savoirs se défait à mesure que l’emporte
l’idéologie du « socle commun » introduite par François Fillon, promue par le
MEDEF et prolongée par Najat Vallaud-Belkacem. La généralisation du management
et des contrôles hiérarchiques, la multiplication des tâches bureaucratiques, les
mises en cause de la liberté pédagogique sont à l’origine d’un sentiment de
dépossession aggravé par l’absence de reconnaissance.
À rebours de l’héritage partagé de la droite et du Parti
socialiste, mon projet éducatif renoue avec une perspective émancipatrice.
L’école doit former l’esprit critique et créatif et non formater des individus
aux attentes du marché. Tous les élèves sont capables. Je veux leur apporter le
savoir et la culture, les instruire et les qualifier.
Je porterai ainsi de 3 à 18 ans l’instruction obligatoire,
rétablirai le baccalauréat professionnel en quatre ans et les heures
d’enseignements disciplinaires perdues. Je stopperai immédiatement les
fermetures de lycées professionnels et reconstruirai un maillage de lycées
polytechniques du CAP au BTS sur tout le territoire. Je veux l’école de
l’égalité. Je restaurerai le cadre républicain, garant du caractère national
des diplômes, des programmes et de vos statuts en abrogeant les contre-réformes
du lycée et du collège mais aussi le décret Peillon sur les rythmes scolaires
tout en engageant une politique résolue en faveur de la mixité sociale à
l’école.
J’ai été ministre délégué à l’enseignement professionnel.
L’école occupe une place centrale dans le projet politique décrit dans mon programme,
l’Avenir en commun. Alors que les inégalités n’ont jamais été aussi fortes et
que notre société est traversée par de multiples tensions, l’école doit
s’affirmer comme un espace de coopération et d’échanges et non de concurrence
et de compétition. Creuset du peuple en formation, laïque, elle doit devenir le
lieu de l’éducation à l’intérêt général où l’individu se prépare à l’exercice
d’une citoyenneté enrichie de nouveaux droits. A l’heure du défi climatique,
l’école doit jouer un rôle décisif dans la préparation de la transition
écologique. Aussi, si je suis élu à la Présidence de la République, je
m’appuierai sur votre professionnalisme.
Je veux d’abord reconnaître votre haute qualification,
fondée sur une double maîtrise scientifique et pédagogique. Le rattrapage du
point d’indice apportera immé- diatement une hausse de 7 % de votre traitement
et je demanderai à mon gouvernement d’engager avec les représentant·e·s de vos
organisations syndicales une négociation salariale. Je mettrai également en place
un plan de titularisation de tous les précaires de l’éducation nationale.
Je veux vous rendre les moyens d’exercer votre métier. En
recrutant 60 000 enseignant·e·s supplémentaires, dont une part à travers un
dispositif de pré-recrutement, nous diminuerons le nombre d’élèves par classes,
en particulier dans l’éducation prioritaire. Nous reconstituerons les RASED et
ferons advenir la règle d’un·e ATSEM par classe de maternelles. Nous
généraliserons le dispositif « plus de maîtres que de classes » en CP et CE1.
Je veux enfin assurer la gratuité des sorties scolaires afin de vous permettre
de conduire avec tou·te·s vos élèves vos projets éducatifs.
Au delà du rétablissement des moyens indispensables, nous
garantirons le principe de liberté pédagogique. Dans le premier degré, pour
alléger votre charge de travail, nous mettrons fin aux activités pédagogiques
complémentaires (APC) et à l’évaluation par compétences. Dans le second degré,
nous tournerons la page des dispositifs de mise en concurrence des enseignant·e·s
en abrogeant le décret Hamon d’août 2014. Nous déconnecterons l’avancée de
votre carrière de l’inspection qui doit devenir un temps de conseil et de
formation. Nous aiderons au développement de la recherche en éducation et
nouerons des partenariats entre l’éducation nationale et des mouvements
pédagogiques agréés afin d’enrichir votre formation continue. Nous créerons une
médecine du travail pour les personnels de l’Éducation nationale.
Je veux également vous proposer de nouvelles perspectives de
carrière en vous permettant de vous engager dans l’animation d’associations
culturelles dans vos établissements, en libérant dans le premier degré un temps
autogéré pour un travail collaboratif avec vos collègues, en doublant les
postes ouverts à l’agrégation interne. Nous inciterons, par des bonifications
nouvelles et la réduction drastique des effectifs par classe, les
enseignant·e·s à prolonger leur présence dans les établissements de l’éducation
prioritaire. Je veux enfin proposer à celles et ceux d’entre vous qui
parviennent au terme de leur carrière de pouvoir, sur une base volontaire, se
consacrer au suivi des élèves en difficulté, à la coordination des projets de
l’établissement et à la formation des enseignant·e·s stagiaires.
Il y a tant de chantiers, tant d’énergie à mobiliser pour
que l’école soit toujours le lieu ouvert où chacun·e cultive le bonheur
d’apprendre. Pour plus de précisions, je vous renvoie sur le site internet
dédié à mon programme : avenirencommun.fr
Pour ma part, je m’engage devant vous à mettre toujours
autant de soin à défendre l’école publique que vous en mettez chaque jour à
éduquer nos enfants.
Vous souhaitant bonne réception de ce courrier
Jean-Luc Mélenchon
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